Quelles sont les conséquences de la facturation électronique pour les entreprises ? En quoi cette réforme est un enjeu de taille pour les entreprises ?
Vincent Derec (cofondateur de KS2) et Grégoire Gaillard (associé du cabinet d’expertise comptable, de commissariat aux comptes et de conseils In Extenso) nous expliquent les enjeux de l’e-invoicing et de l’e-reporting pour les entreprises françaises assujetties à la TVA.
Depuis le 1er janvier 2020, toutes les entreprises françaises sont tenues d’envoyer leurs factures à destination du secteur public en format électronique. Puis, la loi de finances pour 2020 a introduit l’obligation de facturation électronique dans les échanges entre entreprises assujetties à la TVA, établies en France. Pour beaucoup d’entreprises, cela implique d’accélérer la digitalisation de leurs processus administratifs et financiers.
Quels sont les enjeux de l’e-invoicing pour l’État et les entreprises ?
G.G. Toutes les entreprises assujetties à la TVA auront l’obligation d’envoyer leurs factures électroniques à leurs clients B2B par l’intermédiaire d’une plateforme de données partenaire. Aujourd’hui, cette plateforme s’appelle Chorus Pro. La mise en œuvre de cette réforme importante vise principalement à lutter contre la fraude fiscale, mais également de renforcer la compétitivité des entreprises par un allègement des obligations administratives et un gain de productivité grâce à la dématérialisation.
Dans un premier temps, la mise en œuvre de l’e-invoicing permettra à l’État de préremplir automatiquement les déclarations de TVA des assujettis.
Cette réforme va nécessiter une digitalisation forte des entreprises et un renforcement de leur « piste d’audit fiable »
V.D. Cette réforme est un pas supplémentaire dans la transformation digitale des entreprises, notamment des PME et des entrepreneurs individuels qui oscillent encore entre la voie électronique et le format papier. L’enjeu est à la fois organisationnel et informatique. L’e-invoicing est une opportunité, dans la mesure où cela doit faire gagner du temps à tous et à tous les niveaux. La dématérialisation ouvre la voie à l’automatisation d’un certain nombre de tâches de traitement administratif souvent chronophages dans les entreprises. Mais cela nécessite également d’adapter les processus historiques de facturation au contexte digital.
Vous avez mentionné la « piste d’audit fiable », qu’est-ce que cela recouvre précisément ?
G.G. La piste d’audit fiable a pour objectif de formaliser la réalité d’une prestation ou d’une livraison de bien au travers d’une procédure écrite et documentée. Chaque facture émise ou reçue doit correspondre à la réalité d’une prestation ou d’un achat.
L’entreprise doit être en mesure d’en justifier chaque étape au travers de sa piste d’audit fiable. Il y a une suite chronologique et logique dans le processus qu’il faudra être en mesure de fournir sous forme de documents dématérialisés.
La piste d’audit fiable prend la forme d’un document descriptif du processus physique et informatique de l’engagement des dépenses et de ventes au sein de l’entreprise. Cette formalité peut être demandée par l’administration fiscale lors de ses contrôles.
Toutes les entreprises n’émettent pas de factures, notamment dans le B2C. Comment seront traitées les charges sans facture associée ?
G.G. Nous arrivons au deuxième enjeu de cette réforme qui est l’e-reporting. Cela concerne toutes les entreprises liées au grand public qui fonctionnent avec une caisse, comme les bars, les restaurants ou les grandes surfaces.
Actuellement, la comptabilité de ce type d’entreprises est assurée grâce à l’émission d’un ticket Z. C’est le récapitulatif de tous les encaissements et de la TVA collectée sur une période donnée. Il est possible d’émettre un ticket Z à la fin d’une journée ou d’un mois.
De ce fait, comment voyez-vous votre métier évoluer pour répondre aux nouveaux enjeux des entreprises ?
G.G. Nous sommes une profession réglementée depuis 1945, et ces réformes vont forcément entraîner une déréglementation. À l’origine, notre métier est de « faire de la comptabilité et de signer des comptes ». Progressivement, notre offre s’est développée autour de notre activité principale en proposant des services annexes comme de la gestion et du conseil auprès du chef d’entreprise. Aujourd’hui, nous accompagnons nos clients en matière de comptabilité, de fiscalité, de paie ou de gestion de patrimoine.
Nous sommes devenus des tiers de confiance vis-à-vis de nos clients et de l’État. De par notre déontologie et nos normes d’exercice, nous avons une obligation de conseil et une prise de hauteur vis-à-vis de ce que font nos clients.
L’avenir de notre métier se trouve donc dans le conseil. Il y aura toujours une part de collecte d’informations pour réaliser les reportings, les analyses et proposer des solutions. Au sein de notre cabinet, nous avons développé des outils de travail, que nous mettons à la disposition de nos clients : des logiciels de comptabilité, de facturation, de paie, etc.
La problématique des chefs d’entreprise de demain sera d’opérer cette transformation digitale, dans sa mise en place et dans son suivi. La dématérialisation et l’automatisation des processus ne suppriment pas toutes les opérations manuelles. Il faudra toujours valider le paiement de la facture, valider la réception d’un virement.
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